Pour nous contacter

Envoyez-nous vos histoires ou vos réflexions sur les sales cons au travail. Le mode d'emploi, c'est ici.

ETES-VOUS UN SALE CON ?

lundi 5 février 2007

Introduction

Extrait de : Objectif Zéro-sale-con de Robert Sutton, traduction Monique Sperry
The No Asshole Rule, © 2007, by Robert Sutton.
© Editions Vuibert, 2007 pour la traduction française.





Quand je rencontre un individu mesquin, méchant, ma première réaction est généralement de me dire : « Quel sale con ! »
C’est probablement aussi la vôtre. Peut-être utilisez-vous un autre qualificatif - connard, abruti, peau de vache, salaud, tyran, dictateur, sadique, enflure, pervers – mais, pour moi, « sale con » est celui qui exprime le mieux la crainte et le mépris que m’inspirent ce genre d’individu.
J’ai écrit ce livre parce que la plupart d’entre nous, malheureusement, sont confrontés, à un moment ou un autre de leur vie professionnelle, à des membres de cette engeance.
Objectif zéro-sale-con montre les ravages que ces nuisibles causent chez leurs prochains mais également dans la performance de l’entreprise. Ce petit ouvrage montre aussi comment les empêcher de s’introduire dans une entreprise, comment rééduquer ceux qui s’y sont déjà installés, comment se débarrasser de ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas changer et comment limiter leur potentiel de dévastation.
J’ai découvert la notion de sale con il y a plus d’une quinzaine d’années, lors d’une réunion avec des collègues à l’université de Stanford. L’ambiance dans notre petit département était particulièrement stimulante et conviviale, à des années lumière de la mesquinerie qui imprègne très souvent la mentalité universitaire. Ce jour-là, notre président, Warren Haussman, animait une discussion concernant le recrutement d’un nouveau professeur.
L’un de mes collègues avança le nom d’un chercheur réputé, membre d’une autre faculté, ce qui provoqua le commentaire suivant d’un autre d’entre nous : « Écoutez, peu importe que ce soit un prix Nobel ou autre ... la seule chose que je veux pas c’est d’un sale con qui gâcherait l’ambiance de notre groupe. » Cela nous fit rire mais déclencha une discussion passionnée sur la manière de ne pas introduire d’éléments perturbateurs dans notre organisation. Nous prîmes ainsi l’habitude, chaque fois que nous devions recruter, de nous poser cette question : « Ce candidat réunit apparemment toutes les conditions, mais son arrivée irait-elle à l’encontre de notre objectif zéro-sale-con ? » Et c’est ainsi que ce havre de paix qu’était notre département fut préservé.
Les termes utilisés dans d’autres environnements sont plus polis ; on parle d’éviter les « petits chefs », les « emmerdeurs » ou les « autocrates ». Parfois, l’objectif est une règle tacite mais strictement appliquée. Quelle que soit la forme adoptée, c’est dans ces entreprises que j’ai envie de travailler et non pas dans celles qui ignorent ou tolèrent l’arrogance et la mesquinerie, quand elles ne les encouragent pas.

Je n’avais pas prévu d’écrire
Objectif zéro-sale-con. Tout a commencé en 2003, quand j’ai fait une proposition à moitié sérieuse à la Harvard Business Review. La rédactrice en chef de la revue, Julia Kirby, m’avait demandé si j’avais des suggestions pour leur liste annuelle « d’idées neuves ». J’avais répondu que la meilleure pratique de management jamais inventée était à mes yeux « l’objectif zéro-sale-con », mais que la Harvard Business Review était une revue trop respectable, trop distinguée et, pour être franc, trop guindée pour imprimer une expression aussi crue. Je fis valoir que des variantes comme « objectif zéro-abruti » ou « objectif zéro-méchant » n’avaient pas le même accent d’authenticité ni la même charge émotionnelle, et que je n’écrirai un article que si l’expression « objectif zéro-sale-con » était conservée.
Je m’attendais à un refus poli. Je me réjouissais secrètement à l’idée de vilipender la vision aseptisée et idéalisée de l’entreprise présentée dans les pages de la revue et son refus d’utiliser des termes reflétant la manière de penser et de parler des gens ordinaires.
Je me trompais. Non seulement la revue publia mon article en février 2004, mais le mot « sale con » était imprimé au total huit fois. Et ma surprise ne s’arrêta pas à la parution de l’article. J’avais déjà publié quatre articles dans la
Harvard Business Review, qui avaient suscité des commentaires par email ou téléphone et quelques questions de membres de la presse. Mais ces réactions n’étaient rien, comparées au déluge provoqué par mon article sur le « zéro sale-con », bien que celui-ci fût noyé parmi 19 autres « Idées neuves ». Je reçus des dizaines d’emails à la suite de cet article (et d’un autre sur le même sujet publié dans la revue CIO Insight) et le flot ne se tarit pas.
Le premier message venait du directeur d’une entreprise de couverture à qui mon article avait enfin donné le courage de se débarrasser d’un collaborateur compétent mais invivable. Puis arrivèrent des messages de personnes de professions et d’origines totalement différentes : un journaliste italien, un conseil en management espagnol, un comptable de Boston, un haut conseiller de l’ambassade américaine à Londres, le directeur d’un grand hôtel de Shanghai, le manager d’un musée de Pittsburgh, le PDG d’une société de Bourse, un documentaliste de la Cour suprême, pour n’en citer que quelques-uns.
Et alors que je m’attendais à des réactions offusquées de mes collègues universitaires qui étudient notamment l’agressivité au travail, beaucoup d’entre eux me félicitèrent, notamment celui-ci qui m’écrivit : « Votre travail sur “l’objectif zéro-sale-con” a touché une corde sensible chez mes collègues et moi-même. En effet, nous avons souvent le sentiment que nous pourrions prédire une grande part des disparités dans la satisfaction au travail en incluant dans nos études un critère « sale con ». En fait, si nous pouvions demander « Est-ce que votre patron est un sale con ? » nous n’aurions plus besoin de poser d’autres questions ... Je pense donc, comme vous, que s’il peut choquer, aucun autre mot ne traduit aussi bien ce que sont ces gens là. »
Ma modeste contribution dans la
HBR suscita aussi des commentaires dans la presse, des éditoriaux et des interviews sur la chaîne nationale de radio, dans la revue Fortune Small Business et un article – savoureux – d’Aric Press, rédacteur en chef de la revue professionnelle, American Lawyer, invitant les avocats à instituer des « audits de connards ». Press proposait aux dirigeants des firmes juridiques« de se poser cette question : pourquoi tolérons-nous ces comportements ? Si la réponse est : parce que nous devons facturer au client 2500 heures par avocat, vous aurez au moins identifié vos priorités sans avoir à payer un consultant ! ».

Bien entendu, le sale con n’est pas le monopole des sociétés d’avocats. On en trouve dans toutes les professions et dans tous les pays. Quel que soit le terme utilisé pour les désigner, beaucoup d’entre eux n’ont même pas conscience de l’être. Les pires en sont fiers. D’autres sont gênés et regrettent leur comportement mais sont incapables de se maîtriser. Tous ont en commun, toutefois, d’exaspérer, d’humilier et de blesser leurs pairs, leurs supérieurs, leurs collaborateurs et, parfois, les clients.

J’ai résolu d’écrire
Objectif zéro-sale-con devant la peur et le désespoir exprimés par les victimes, mais aussi en découvrant leurs astuces pour survivre en préservant leur dignité dans des lieux infestés de sales cons, et en lisant les récits hilarants de leurs vengeances, et de leurs petites victoires sur ces malfaisants. J’ai aussi écrit ce livre parce qu’il a été abondamment démontré que des lieux de travail civilisés ne sont pas une utopie, que de tels lieux existent, que le mépris peut être remplacé par le respect mutuel quand une équipe ou une entreprise est bien dirigée et, enfin, que les entreprises civilisées ont en général des performances supérieures. J’espère que ce petit bouquin apportera du réconfort à tous ceux d’entre vous, lecteurs, dont la vie est gâchée par les sales cons qui se sont glissés parmi vos collègues, vos supérieurs et vos subordonnés. J’espère aussi qu’il vous fournira quelques idées pratiques pour chasser ou rééduquer ces gens là ou, quand ce n’est pas possible, pour limiter leurs ravages.

Aucun commentaire: