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ETES-VOUS UN SALE CON ?

mardi 6 février 2007

Ce n’est pas qu’un mythe : l’exercice du pouvoir transforme bien les gens en sales cons

Traduction de « It Isn't Just a Myth, Power Turns People Into Assholes »
(traduction Esther Chevaleyre avec les conseils de Geoff Staines)


On a beaucoup parlé de la notion de leadership dans mon cours à Stanford sur « Le comportement organisationnel : une approche fondée sur les preuves concrètes ».
La semaine dernière, nous avons eu une intéressante conversation en nous demandant comment et pourquoi le fait de mettre des gens dans des positions de pouvoir semblait les transformer en connards égoïstes.
J’avais déjà réfléchi auparavant à cette question pendant qu’un journaliste allemand de Chrismon m’interviewait sur Der Arschloch-Faktor [la traduction allemande de The No Asshole Rule].

[…]

Aujourd’hui, je vais me concentrer sur la question posée par ce journaliste : « Les sales cons naissent-ils ainsi ou le deviennent-ils ? »

Je suis certain qu’il y a des gens qui sont génétiquement prédisposés à la méchanceté et qu’il y en a qui, peut-être suite à des maltraitances émotionnelles et/ou physiques subies dans l’enfance, deviennent des sales cons.
Mais il est également certain que, quelle que soit notre personnalité, nous pouvons tous devenir des sales cons, pour peu que les (bonnes) conditions soient réunies.

La « sale-connerie » est un poison insidieux, je parle beaucoup de cela dans le livre. Devenir un sale con est quelque chose qui se produit – avec une intensité et à une vitesse impressionnantes – lorsque les gens sont mis dans des positions de pouvoir.
Ma collègue à Stanford Deborah Gruenfeld et son équipe ont étudié pendant des années les effets du pouvoir sur la nature humaine, et leurs conclusions sont claires: le pouvoir transforme les gens en connards égoïstes et insensibles, qui agissent comme si les règles que nous, les autres, devons respecter, ne s’appliquaient pas à eux.
Le synthèse la meilleure et la plus concise concernant cette recherche est un article du San Francisco Chronicle datant de l’automne dernier, intitulé « Le pouvoir et ses effets maléfiques ». L’article résume ainsi ce large corpus de recherche – composé désormais de centaines d’études :

« Certaines caractéristiques sont communes aux gens puissants. Ils ont tendance à être plus insensibles, plus portés à rechercher la satisfaction de leurs propres pulsions, moins bons juges face aux réactions des autres, plus susceptibles de dresser des stéréotypes, exagérément optimistes et plus enclins à prendre des risques. »

L’article cite l’une des principales conclusions de Gruenfeld :

« La désinhibition est vraiment l’élément fondamental du pouvoir, a affirmé Deborah Gruenfeld, professeur à Stanford et sociologue, spécialisée dans l’étude du pouvoir. Pour la plupart des gens, ce que nous considérons comme des “jeux de pouvoirs” ne sont pas calculés et machiavéliques. Ils se manifestent au niveau du subconscient. Beaucoup de ces régulateurs internes, qui nous empêchent d’adopter un comportement méchant ou effronté, diminuent ou disparaissent. À partir du moment ou les gens se sentent puissants, ils ne cherchent plus à se contrôler. »


Pour illustrer la rapidité avec laquelle une telle désinhibition peut se produire, l’article décrit la savoureuse étude dite « des petits gâteaux » effectuée par Gruenfeld et ses collègues :

« L’une des expériences les plus simples pour mettre la thèse à l’épreuve est l’expérience des petits gateaux. Les chercheurs ont répartis des étudiants par groupe de trois et leur ont donné un devoir factice, consistant à collaborer pour écrire un court article sur une question sociale.
Ils ont ensuite demandé à l’un des élèves au hasard d’évaluer les deux autres, avec un système de notation affectant la possibilité pour eux de remporter une prime.
Après avoir créé cette hiérarchie artificielle de pouvoir, les chercheurs ont négligemment apporté aux trios de travailleurs des assiettes contenant chacune cinq petits gâteaux. Ils se sont aperçus que non seulement les élèves “puissants”, désinhibés, mangeaient plus que leur part des biscuits, mais qu’en plus, ils étaient plus enclins à mâcher la bouche ouverte et répandre des miettes sur la table. »


L’histoire inclut également l’expérience personnelle de Gruenfeld, qu’elle utilise souvent pour débuter ses exposés sur les effets de pouvoir :

« Gruenfeld offre un exemple similaire, tiré de sa carrière dans le journalisme, lorsqu’elle eu l’occasion de rencontrer Jann Werner, l’éditeur du magazine Rolling Stone. Elle se souvient qu’il descendait systématiquement la vodka à la bouteille et mangeait des oignons crus – sans jamais proposer de partager – “et à nous autres, cela ne nous venait même pas à l’esprit, parce que c’était entendu qu’il avait le pouvoir et que nous ne l’avions pas.” »

L’étude « des petits gateaux » et l’histoire de Rolling Stone ne sont que des éléments de preuve parmi d’autres – ce phénomène est démontré dans des centaines d’études.
Le résultat de toutes ces recherches est que le pouvoir transforme les gens en salauds insensibles et égoïstes, par conséquent, n’importe lequel d’entre nous, s’il est mis en position de pouvoir, risque d’avaler cet insidieux poison.

Cependant, si vous vous penchez sur les conclusions de Jim Collins à propos des dirigeants dans De la performance à l’excellence, cette affirmation doit être nuancé par le fait que les dirigeants capables de ne pas céder aux sirènes de la «sale-connerie » et qui parviennent à se concentrer sur les besoins des gens qui les entourent, sont apparemment des managers plus efficaces.

Il y a donc de bonnes raisons de chercher des moyens pour résister à un tel poison. L’un des meilleurs consiste à réduire les différences de statut entre les personnes et d’avoir aussi peu de niveaux hiérarchiques que possible. Un autre moyen est d’apprendre à écouter plus et à parler moins.

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